Endurance: Lettre ouverte de Romane Didier, ancien vainqueur des 24H

Aux dirigeants et passionnés d’Endurance Karting…

« Bonjour.

J’ai assisté à chaque édition des 24 Heures du Mans Karting depuis la première en 1986 (à l’exception de 1989). J’ai participé en tant que pilote à sept éditions de 1986 à 1993 et remporté la 5ème édition en 1990. J’ai rédigé des dizaines d’articles sur le sujet et commenté l’épreuve sur LMTV.

Victoire en 1990 avec l'équipe Boulineau Sport

Victoire en 1990 avec l’équipe Boulineau Sport

A ce titre et au nom de ma passion pour l’endurance Karting, je me permets de prendre la plume, car j’ai entendu parler d’un projet de l’Automobile Club de l’Ouest d’instituer un temps minimum de deux minutes pour les arrêts aux stands pendant les 24 Heures du Mans.

On ne résout pas les problèmes d’une course en dénaturant cette même course. La réussite aux 24 Heures du Mans dépend :

1- de la performance des pilotes en piste
2- de la performance du matériel
3- de la fiabilité du matériel et notamment des moteurs
4- de la performance des équipes dans les stands

Concernant le point 2 : ce critère dépend notamment des moyens financiers investis sur le développement.

Concernant le point 3 : les moteurs sont fiables, la différence ne se fait plus vraiment sur les ruptures mécaniques, ou peut-être sur l’endroit du circuit où un team a la malchance de casser.

Concernant le point 4 : ce critère ne ferait plus la différence entre les différents concurrents au cas où la mesure de temps minimum pour un pitstop serait introduite.

Bilan : la victoire reviendrait à l’équipage regroupant les pilotes les plus rapides et les plus expérimentés, qui se seraient beaucoup entrainés. Donc aux plus fortunés.

En d’autres termes, la mesure envisagée enlèverait tout espoir de bien figurer aux petites et moyennes équipes, car la performance dans les stands est celle qui coute le moins cher à développer. Pas besoin d’user des pneumatiques, d’accumuler les heures de roulage. Il suffit d’astuce, de dextérité, d’entrainement pour l’équipe de mécanos. Sans oublier la petit fierté à chaque arrêt réussi et l’immense fierté collective de l’équipe en cas de succès !

On en a eu la preuve en 2018, quand la seule opposition crédible aux usines est venue de l’équipe JFJ Performance qui a mis l’accent sur la rapidité du travail des mécanos (en plus d’avoir une équipe de pilotes apte à rivaliser avec les usines).

Bref, si je comprends bien, pour résoudre un problème (coût élevé du système de remplissage) on a créé un autre problème en introduisant un autre système de remplissage et maintenant, on est tenté d’enlever à la course un de ses intérêts majeurs pour résoudre ce dernier problème ?

On sait que le championnat de France d’Endurance attire de moins en moins d’engagés et il serait utile de s’interroger sur cette question (et sur le Karting en général d’ailleurs). Mais je ne crois pas que des mesures cosmétiques rendront la motivation à ceux qui l’ont perdue. Je ne pense pas que l’on rendra la course plus attractive en lui enlevant sa substance à la va-vite et dans une optique de sauvetage de court terme.

En outre, je me demande quelle allure auront les prises de vue TV de teams effectuant des ravitaillements au ralenti ? Médiatiquement, on ne va assurément pas dans le sens d’un intérêt accru pour l’événement. Si l’épreuve perd son sens, ce sera pire : elle n’intéressera plus personne et elle disparaîtra.

Il faut avoir le courage d’une véritable remise en question, quitte à assumer un creux de la vague – éventuel – pour la prochaine édition.

Merci de m’avoir lu. Je suis disponible pour poursuivre ce débat si j’y suis invité.”

Romane Didier

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